On nous répète que nous sommes libres. Libres de choisir qui nous voulons être, où vivre, quoi faire, comment aimer, à quoi croire — ou ne pas croire. Cette liberté, fruit de luttes historiques et de progrès sociaux majeurs, est précieuse. Mais dans sa forme contemporaine, quelque chose semble s’être perdu.
Car cette liberté, poussée à l’extrême, ne nous éclaire plus. Elle nous désoriente.
Quand tout devient possible, rien ne semble nécessaire
Nous vivons dans une époque où les balises traditionnelles se sont effacées — parfois pour le mieux, parfois au prix d’un vertige intérieur. Le sociologue Anthony Giddens parle d’un soi réflexif, obligé de se construire sans repères fixes, dans une société où l’individu devient responsable de donner un sens à sa propre existence, sans modèle préétabli.
Mais cette responsabilité est lourde. Car sans guide, sans ancrage, sans cadre, la liberté devient un fardeau existentiel. On se perd dans un océan de possibles. On hésite. On remet tout en question. Et à force de pouvoir tout faire, on ne fait plus rien.
La tyrannie du choix
Le psychologue Barry Schwartz, dans The Paradox of Choice, a bien décrit ce phénomène : plus le nombre de choix augmente, plus l’anxiété, la paralysie et la déception augmentent aussi. Ce n’est pas l’absence de liberté qui nous bloque, c’est son excès — mal accompagné.
Chaque décision devient une potentielle erreur. Chaque chemin non choisi devient un regret latent. On confond autonomie et isolement. Liberté et flottement.
L’angoisse de l’inachevé
Dans un monde sans repères durables, où même l’identité devient une variable fluide, la quête de stabilité intérieure devient difficile. L’être humain, pourtant, a besoin d’un certain niveau de cohérence, de continuité, de direction. Pas pour s’enfermer. Mais pour s’orienter.
Le philosophe Kierkegaard, déjà au XIXe siècle, écrivait que l’angoisse naît de la conscience de la liberté. Mais aujourd’hui, cette angoisse n’est plus encadrée par la foi ou la tradition — elle est souvent livrée à elle-même, amplifiée par la comparaison sociale constante et l’injonction à « réussir sa vie ».
Choisir une direction plutôt qu’une infinité d’options
La vraie liberté n’est pas dans la multiplication des possibles. Elle est dans l’engagement. Dans le fait de choisir un cap, même imparfait, et d’y mettre du sens. Car c’est à travers l’action, la fidélité à certaines valeurs, la responsabilité assumée, qu’un être humain se construit.
Choisir, ce n’est pas se limiter. C’est donner une forme à sa liberté.
Dans la prochaine réflexion, on abordera un pilier souvent oublié du sens : le lien à l’autre. Car une vie pleine de sens est rarement une aventure strictement solitaire.


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